vendredi 26 septembre 2008

Les centaines de leurs frères assassinées par la police ?

Rue89 s'en félicite, des dizaines de commentateurs aussi, la cour d'appel de Versailles a estimé que les propos suivants ne sont pas diffamatoires :


Les rapports du ministère de l’Intérieur ne feront jamais état des centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu’aucun des assassins n’ait été inquiété.

Gardons en tête, avant de poursuivre, la définition de diffamer, dont la seconde syllabe se prononce comme celle d'infâmeté :


Calomnier, imputer un fait qui atteint à l'honneur ou à la considération.

Wikipédia précise que le premier sens n'est pas requis pour qu'une déclaration tombe sous le coup de la loi en droit Français. La cour d'appel de Versailles a donc décrété que les propos ci-dessus n'atteignaient pas à l'honneur ou à la considération de la police. Soit, je ne connais pas les détails du jugement, je ne me prononcerai pas dessus, mais continuerai ce billet sur l'article de Rue89. Et plus précisément les réactions qu'il a suscité.

Anthropia, un riverain, accomplit son devoir de justicier masqué ainsi :


Les faits, toujours les faits.
Sont-ils morts ces enfants dans le transformateur,
sur la petite moto, au passage piéton ?
Les responsables ont-ils été condamnés ?

Rappelons la définition d'abattre : mettre à mort. Ce joyeux commentaire assimile donc l'accident ayant suivi le refuge de deux jeunes dans un transformateur EDF et la collision plus récente d'une voiture de police avec une mini-moto à une mise à mort de la part des forces de l'ordre, et dénonce l'impunité des coupables.
Trois affirmations en découlent :


  • les responsables de ces deux accidents sont des policiers,

  • ils n'ont pas été inquiétés,

  • ainsi, la déclaration de Hamé est justifiée et n'est pas diffamatoire.

Je ne vais pas me lancer dans une analyse de ces deux drames, mais déclarer au lance-pierre que la police en était responsable me semble aussi rapide que mensonger.
Quand deux jeunes se réfugient dans un transformateur EDF et en meurent, on doit évidemment s'interroger sur les circonstances des faits. Mais cela ne doit pas se faire en occultant le choix qu'ils ont fait, c'est à dire aller se cacher à un endroit signalé par l'écriteau suivant :
En tenir responsable la police relève d'une démarche de dénigrement systématique des forces de l'ordre, qui se retrouvent à devoir assumer tout et n'importe quoi, pas à cause de leurs actes, mais à cause de leur statut.
Attention, je ne suis pas en train de délester les gardiens de la paix de toute responsabilité dans cette affaire ; deux d'entre eux ont d'ailleurs été mis en examen, ce qui ne m'évoque d'ailleurs pas une impunité débordante, pour non-assistance à personne en danger. Oui, les torts étaient partagés, mais parler ici de mise à mort me semble légèrement... décalé ?

Quant à l'accident de la circulation, il est également primordial de considérer l'ensemble du tableau avant d'émettre un jugement à l'emporte-pièce : deux jeunes sans casques sur une moto minuscule non autorisée à rouler sur la voie publique qui coupent la priorité à une voiture de police en patrouille. Alors oui, peut-être que la voiture roulait trop vite, et je ne l'exempte pas de ses torts, mais de là à dire que les policiers qui la conduisaient sont responsables de la mort des deux ados, il y a une abîme à ne pas franchir pour garder sa crédibilité.

Et quand bien même ces deux malheurs pourraient être entièrement imputés aux forces de l'ordre. Admettons. Pourrait-on parler d'assassinat, comme le fait Hamé ? C'est à dire d'homicide volontaire avec préméditation ?

Les riverains de Rue89 semblent en êtres convaincus.


Je suis heureux pour eux et pour les victimes passées (sans exagération).

Génial !!

Felicitation donc a Hame pour sa patience et sa motivation a faire respecter la justice.

Bravo à Hamé, bravo à la défense. Merci pour tous celles et ceux qui ont eu et ont encore à baver des abus policiers.

Et de centaines d'assassinats ? Oui, car :


Les victimes [...] sont les centaines d’algériens participants à une manif pro-FNL en octobre 1962 en France qui ont été jetés dans la Seine et sont morts noyés ou tabassés sous les coups des hommes de Papon.

Le vrai bilan de la journée du 17 octobre 1961 (le commentateur aurait du réviser ses fiches), se situe entre 30 et 265 victimes. Du quitte au décuple, un peu dur de comparer avec les allégations de Hamé. Je n'ai pas besoin de connaître le nombre exact, car les écrits que l'on peut trouver sur la toile suffisent à donner une image de l'horreur de cette soirée de cristal à la sauce Papon. Ceci dit, affirmer que l'écrit du rappeur se réfère à ce drame 40 ans après les faits me semble rapide ; il n'y est pas fait la moindre référence dans le texte originel.
Et même si c'était le cas, ça ne le justifie en aucune circonstance. Que penserait-on d'une telle déclaration condamnant les allemands, qui ont abattu nos frères ? Qu'elle serait — au moins — déplacée, à moins de ne faire mention de la période et de supprimer la généralité en remplaçant le terme allemands par celui de nazis. Et pourtant, ici, dans notre cas, il n'y aurait pas le moindre obstacle éthique ou moral pour cracher sur la police actuelle au nom de ses crimes du passé ? Comprenons-bien que 40 ans plus tard signifie en d'autres termes que l'intégralité de ceux qui ont effectué leur première année de service en 1961 sont partis en retraite !

En outre, une plaque a été inaugurée en 2001 au pont Saint-Michel à Paris (par Bertrand Delanoë, gloire à lui), « à la mémoire de nombreux Algériens tués lors de la sanglante répression de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961 ». Je sais pas pour vous, mais à moi, ça m'évoque au moins un début de reconnaissance d'État.
Enfin, si Hamé faisait effectivement référence à cette sombre page de notre histoire contemporaine, ce qui reste très hypothétique, se servir d'un débordement policier vieux de 40 ans, organisé par un complice de crimes contre l'humanité, pour justifier une diatribe envers les forces de l'ordre et l'État aujourd'hui, n'est-ce pas le degré zéro de l'argumentation ? Pas loin du point Godwin à mon sens...

Non, décidément, rien ne justifie à mes yeux une telle déclaration, qui porte nettement atteinte à la considération de la police, ce qui caractérise la diffamation, et qui est tout simplement mensongère. De la même façon (eh oui, en fait, je me prononce), rien pour moi ne semble justifier la relaxe du groupe de rap, mais il est vrai que je ne suis pas au fait du jugement ni des arguments qui ont poussé les juges à cette décision, je retiendrai donc mon appréciation.

Ce climat de défiance voire de haine vis à vis de la police, qu'on peut apprécier sur Rue89, est inquiétant. Basé sur des vérités déformées assenées par des victimes auto-proclamées qui dénoncent leur mise à l'écart des médias alors qu'elles sont en fait leurs coqueluches (sentez-vous la douce odeur du complot policier contre des personnes démunies et sans défense planer sur les rédactions ?), il conduit à la défense aberrante d'une déclaration choquante et malveillante. Triste.

mardi 1 juillet 2008

La démocratie participative selon Ségolène Royal

Ce blog est au point mort, et quand je poste un nouvel article, c'est pour y présenter une vidéo de Royal en pleine application de ses principes démocratiques tant loués par ses éternelles groupies. Quel mauvais esprit ! Pendant que je me fais écraser par ma culpabilité galopante, voici Ségolène Royal vs le premier vice-président (PS) de la région Poitou-Charentes, Jean François Fountaine, qui a l'outrecuidance de lui... demander la parole.



jeudi 28 février 2008

Poitiers dit non ?

Rue89 a attiré mon attention sur cette affaire d'affectation à Poitiers d'un professeur d'Histoire du Droit qui fut président d'un groupuscule d'extrême droite. Récompensé du titre de major au concours de l'agrégation, il bénéficie maintenant de la possibilité d'enseigner à l'université, ce qui hérisse les poils de pas mal de monde.
Ainsi, le MJS 86 et Razzy(e) Hammadi (toujours à la pointe) ont signé la pétition "Poitiers dit non", qui s'oppose à cette décision, et qui a été initiée par un communiqué de l'université témoignant sa « vive inquiétude ».

Je ne vais pas tourner autour du pot : je trouve cette levée de boucliers particulièrement choquante. Ce mec a été condamné, il a été amnistié, il a passé avec succès un examen difficile... au nom de quoi devrait-on lui appliquer une telle double peine, principe contre lequel la Gauche s'est toujours battue, et refuser son affectation ?
S'il a atteint ce grade, c'est quand même qu'il arrive à faire la part des choses entre ses convictions et le contenu de ses cours... Et si jamais ce n'était pas le cas, ce qui serait une surprenante déclaration d'immaturité pour un agrégé, je suppose que le système universitaire contient suffisamment des garde-fous pour le déchoir de son titre ! Il s'est repenti, s'il fait une connerie, il sera sanctionné, en attendant, laissons lui sa chance.

Si la liberté d'expression a des limites législatives, la liberté de penser non. Et vu son diplôme, je crois qu'il connaît pertinemment l'étendue de ce qu'il peut dire et de ce qu'il ne doit pas dire.

jeudi 7 février 2008

La Gauche la plus bête du monde ?


J'ai eu la chance de pouvoir me procurer la prose de Razzy(e) Hammadi et de Claude Villers (l'ex-président du Tribunal des Flagrants Délires), à sortir le 14 février, « un pavé dans le marigot socialiste » dixit la présentation de l'ouvrage.
Claude Villers y expose sa profonde déception vis-à-vis de la Gauche, pour laquelle il ne vote plus que par habitude, et s'entretient avec Razzye, qui l'a séduit pour avoir « [voulu] secouer la torpeur ».


Notre ancien patron affirme dès le début que son but n'est pas de « faire exploser le PS », comme les médias aimeraient qu'il fasse, mais de se demander ce qui peut bien avoir « fait douté un Claude Villers de son engagement à nos côtés ». Noble intention, malheureusement écornée quelques pages plus tard quand il dénonce et nomme les responsables de l'inaudibilité du PS : Laurent Fabius, Ségolène Royal, Manuel Valls. Heureusement, seules quelques piques à Ségolène Royal alimenteront ses critiques personnelles, bien qu'il n'hésite pas à critiquer les instances du PS. Seul François Hollande est véritablement épargné par sa plume, retour de bonne grâce.


Dès le début, on peut s'amuser à repérer les inspirations de Razzye, par exemple celle de Kenneth E. Boulding, qui pensait que « toute personne croyant qu'une croissance exponentielle peut durer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste », ce à quoi notre ex semble adhérer : « on ne peut rester sur un modèle de croissance infinie dans une planète où les ressources sont disponibles en quantité finie » ; ou encore celle de Sénèque, auteur du fameux : « ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas les faire mais parce que nous n’osons pas les faire qu’elles sont difficiles », qui devient : « ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous ne les affrontons pas. C'est parce que nous ne les affrontons pas qu'elles nous semblent impossibles. »


En gros, son discours est assez cohérent et je suis globalement d'accord.
Soudain, c'est le drame ; Razzye a du tomber sur le numéro du Temps des Conquêtes pré-congrès, et on lit : « la gauche a cessé de faire peur aux bourgeois, elle les fait rire » (en septembre, c'était « la Gauche ne fait plus peur aux bourgeois, elle les fait rire », subtile évolution), perche que Claude Villers saisit vigoureusement : « parce qu'elle a pris leurs tics, parce que les gens du PS viennent de la droite bourgeoise ». Je maintiens ce que j'avais dit à la rentrée, et je m'attriste de ce discours prolétaire selon lequel on devrait faire trembler la classe moyenne. Et la réaction du journaliste est une énormité suffisamment grosse pour mériter d'être soulignée.
D'ailleurs, je dois bien dire que ses questions m'interpellent parfois : « Il y a beaucoup de gens qui attendent que quelqu'un leur parle dans leur langage. Qui parle le langage de la rue, des bistrots ? [...] Est-ce que les députés actuels représentent le peuple ? ». M'est avis que s'il devait y avoir des prérequis ou des compétences indispensables pour être député, parler le langage de la rue et des bistrots n'en ferait pas partie.
Villers dénonce aussi l'extension de la société de consommation, en prenant un exemple un peu malheureux : « même sur une chaîne publique, payée avec les deniers publics [...], on voit une météo sponsorisée. » Comme l'a révélé l'annonce de supprimer la pub sur France Télévision, la redevance ne suffit largement pas, en effet, à assumer les coûts inhérents à la gestion d'une chaîne de télé. Alors que si la redevance avait augmenté pour offrir une météo indépendante, avant la suppression des réclames, nul doute qu'il aurait été un des premiers à hurler à l'escroquerie des plus pauvres. On se demande à quelques occasions s'il ne serait pas un peu à la masse !


Une petite dose de bataille culturelle, pas mal de « travailler moins pour vivre plus », on est dans les rengaines classiques de Razzy(e) Hammadi. À propos, je trouve toujours cette conception de la réduction du temps de travail simpliste. Défendue par les deux intervenants, elle consiste à dire qu'il faut travailler moins pour pouvoir faire d'autres choses plus "épanouissantes" qui seront meilleures pour nous. Sans considérer un instant qu'un emploi puisse être très enrichissant et particulièrement intéressant, voir même une motivation pour vivre, ils décrètent que c'est meilleur pour nous de ne pas travailler. L'impression d'être utile, aimer ce qu'on fait, ces détails sont rangés au placard. À les lire, on croirait que le bonheur se limite à regarder la télé, à passer du temps avec sa famille, et à aller au musée. C'est indispensable, oui, mais ça ne peut pas suffire. En tout cas, certainement pas à tout le monde.
À titre personnel, je ne souhaite pas « marcher vers les 32h » comme il le prône, puisque j'espère avoir plus tard un métier intéressant auquel je souhaite consacrer (bien) plus que ça. Mais contrairement à ceux qui se prononcent aveuglement en faveur de cette idée, j'entends ceux qui parlent des métiers les moins intéressants et les plus pénibles. C'est pour ça que je défend le compromis, entre le "tout-travail" de l'ère Sarkozy et le "travaillons le moins possible" de Razzy(e) Hammadi. Que ceux qui ne font pas ce qu'ils aiment puissent vivre sans travailler plus, mais que les autres puissent s'épanouir librement dans leur activité. Les heures supplémentaires sont approchées dans cette optique par le tandem : elles n'existent que par nécessité de gagner plus, absolument pas parce que 35h dans une branche attrayante, c'est éventuellement peu. Je regrette que le travail soit abordé uniquement en tant qu'aliénation (du méchant capital).


Le reste du livre évoque les enjeux politiques nationaux principaux, la sécurité, la justice, la santé, l'éducation, et c'est plutôt intéressant dans l'ensemble. Rien de bien transcendant, mais c'est une bonne réflexion sur la situation de la gauche aujourd'hui, si on omet quelques points comme ceux que j'ai soulevé précédemment. Son passage sur la laïcité m'a fait très plaisir, tandis que son plaidoyer en faveur du Non à la constitution m'a irrité les capillaires.


Petit bonus pour le passage « dans ma ville d'Orly », qui m'a fait sourire ; Orly n'est sienne que depuis début novembre, tout de même.


Bref, pas mal, même si 15€ pour ça, ça chiffre (un peu). Sortie le 14 février...

jeudi 10 janvier 2008

Rétention de sûreté

La loi sur la rétention de sûreté a été adoptée par l'Assemblée Nationale. Après l'accomplissement de leur peine, les criminels les plus dangereux pourront être déclarés particulièrement susceptibles de récidiver et, pour cette raison, internés dans des centres spécialisés (n'existant pas encore).
Badinter s'en offense, d'autres non. Certes, ces individus peuvent être dangereux pour la société. C'est en cette qualité qu'on les retiendra au-delà de leur peine, éventuellement jusqu'à leur mort. Cependant, j'ai du mal avec cette loi...


Tout d'abord, si l'on souhaite conserver une personne en prison après sa peine, c'est car elle risque de récidiver, et que ses actions passées nous font nourrir les pires craintes à propos de celles qu'elle risque d'accomplir une fois libre. Mais alors, si on s'autorise à emprisonner des gens pour ce qu'ils risquent de commettre, il n'y a plus aucun obstacle moral à la rétention d'une personne jugée susceptible de refaire du mal, même après avoir acquitté sa dette vis-à-vis de la société, mis à part l'appréciation du législateur ! Qui, par exemple, vient de décider que cette rétention de sûreté pourrait s'appliquer à tous les auteurs de crimes sur mineurs, alors qu'il faut que ces actes soient aggravés si ils ont eu lieu sur un majeur. Éolas (qui mène d'ailleurs une remarquable critique sur la forme de la loi), avance qu'on ne peut pas laisser ces criminels en liberté « au nom de bons sentiments ». C'est pourtant du sentimentalisme que de décréter que l'auteur d'un crime sur enfant mérite plus qu'un autre de subir cette rétention de sûreté ! Allez demander à la famille d'une victime adulte si son agresseur est moins dangereux parce qu'il a tué quelqu'un de plus de 18 ans.
C'est ouvrir une terrible boîte de Pandore que d'autoriser la détention préventive. Je ne parle évidemment pas d'une apocalypse à venir (arg, je ne suis pas digne de ma carte MJS), mais rien n'empêche le gouvernement, au prochain fait divers impliquant une récidive, d'étendre le champ d'application de cette loi.
Quelles seront les limites ? C'est exactement la même logique que dans le cas d'un cambrioleur venant d'être libéré qui recommence ses visites nocturnes, et qui aurait pu rester en prison au-delà de sa peine si on avait constaté que le regard du voleur était toujours présent dans ses yeux.
On envisage de retenir les auteurs de meurtres aggravés, parce que le risque de préjudice est trop important. Il ne s'agit, au fond, que d'une appréciation du "préjudice trop important", propre à chaque personne. Dans l'état, les assassinats et les crimes sur mineurs en font partie. Mettons que moi (je suis très conservateur), je trouve qu'il y a difficilement pire que le trafic de drogue. Et je pense qu'un vrai voyou, une vraie racaille, n'aura pas raccroché après 10 ans à l'ombre, et qu'aussi, pour éviter de donner des armes à l'industrie souterraine, on devrait le garder jusqu'à son repentir sincère. Qui sait, peut-être que le prochain garde des sceaux sera de mon avis... Ce sera si facile d'étendre le champ d'application de la loi. Il suffit que la vision du préjudice trop important change aux yeux du pouvoir (un cambriolage, quand même... c'est grave, et ça peut ruiner une famille).


Ça c'était la partie morale. Maintenant, dans les faits, peut-on laisser un meurtrier présentant tous les signes prémonitoires de la récidive sortir après 23 ans derrière les barreaux ?
On est tentés de répondre « non ». Mais garder une personne en prison, éventuellement à perpétuité, pour quelque chose qu'elle n'a pas commis, c'est la priver de sa vie. Et nous avons aboli la peine capitale : n'est-ce pas revenir sur un acquis majeur que d'instaurer une mesure visant à enfermer quelqu'un à vie sur une présomption (d'où la position de Robert Badinter, peut-être) ?
À noter que je ne m'insurge pas contre le principe des lourdes peines, que les juges choisissent quand elles sont nécessaires, mais contre une privation totale de liberté qui n'est pas destinée à sanctionner un acte avéré mais à prévenir une éventuelle rechute.
D'ailleurs, il y a pas mal de personnes potentiellement dangereuses dans la vie, et il serait naïf de croire que des criminels emprisonnés depuis 20 ans sont les pires. La différence entre une personne vierge de reproche mais très suspecte aux yeux de ses proches ou même de son médecin, et un meurtrier emprisonné n'ayant pu faire de mal à personne pendant 20 ans mais déclaré à risque par un expert n'est pas si évidente... Sauf que ce dernier risque de passer sa vie en prison.
L'argument de l'application de ces dispositions à une « infime minorité », repris par Philippe Bilger dans l'article lié au début de ce billet, n'est qu'une justification. La peine de mort, dans ses 10 dernières années, n'a concernée que 6 criminels. Plus infime comme minorité, je sais pas si c'est possible, et pourtant.
Certains diront qu'en libérant ces personnes, si on ne les prive pas de leur vie, on met en jeu celle de quelqu'un d'autre, innocent qui plus est. Pourtant, il existe à ma connaissance des dispositifs de surveillance en direct (bracelet électronique) ou des mesures préventives (pilules anti-libido pour les criminels sexuels), qui prendraient tout leur sens dans ces cas. Je ne suis pas pour jeter dans la nature des meurtriers dont les experts jugent qu'ils pourraient récidiver. Cependant, il est impossible de soutenir un emprisonnement à durée indéterminée basé sur la dangerosité évaluée d'une personne, qui a déjà subi une très lourde peine.


C'est la solution de la facilité, et certainement pas celle de la justice, que d'emprisonner les malfaiteurs dont on craint la récidive. Ça me fait penser aux lépreux, qui étaient enfermés car dangereux pour les autres, au lieu d'être aidés.
Enfin, cette loi soulève des problèmes d'ordre pratique... Que dira-t-on à l'expert ayant autorisé la libération d'un criminel après la récidive de ce dernier ? Comment gérer des personnes se sachant pertinemment enfermées jusqu'à leur mort, et n'ayant, littéralement, rien à perdre ?

Mais bon, d'après Éolas, ce texte ne pourra être appliqué au minimum que dans 12 ans. Y a le temps.

lundi 31 décembre 2007

Une France enfumée

Je sors de ma torpeur à durée indéterminée (TPI, qui sera bientôt requalifiée en torpeur unique, TU, mais ce n'est pas le sujet), pour parler un peu de l'interdiction de fumer dans les lieux publics, louée un peu partout... sauf par nos amis de la Haute-Vienne.


En gros : l'État a fait preuve de totalitarisme et est en contradiction avec son discours sur le pouvoir d'achat. On passera sur le petit détail du changement de gouvernement depuis l'adoption du décret, pour s'interroger rapidement sur cette mesure si diabolique.


Déjà, État totalitaire, car vu que fumer est un droit, enfumer est un devoir ?
Je suis le premier à déglutir quand on compare le gouvernement au régime de Vichy pour ses décisions, quelles qu'elles soient, alors quand on le dit totalitaire car... les fumeurs n'auront plus le droit de décourager les poumons propres d'aller au bar, je saute sur place et démembre un oursin ! C'est une question de santé publique et de confort, mais bien sûr, un fumeur ne peut pas comprendre. Il ne sait pas qu'il lui suffit d'être le seul avec une clope au bec dans un bar pour gaver tout le monde.
Pourtant, le fumeur a un point commun avec les poumons propres : il n'apprécie pas le bruit que fait son voisin. D'ailleurs, comme les non-fumeurs, il n'a rien contre les trois passions de son riverain, le didgeridoo, le hard-rock et les amplis. Le fumeur souhaite seulement ne pas profiter de ces passe-temps qui ont plus tendance à lui coller la migraine qu'à le mettre en transe. Et le fumeur est assez soulagé d'être épaulé par la législation, et de ne pas avoir à endurer des hurlements aborigènes dus à une pratique musicale incontrôlée. Le fumeur aime bien son voisin, du moment qu'il ne partage pas ses symphonies en bruit mineur.
Alors pourquoi le fumeur (pas tous, ceux du style jeremie, l'auteur de la prose du 81) ne comprend-il pas que sa cigarette est un didgeridoo en puissance ? Sa fumée est le gémissement de l'instrument ; ses conséquences ne sont pas les migraines, mais les cancers. Et imposer sa pratique de la nicotine aux autres consommateurs est aussi respectueux que si je me ramenais avec une cornemuse et essayait d'interpréter Star Wars dans le café !
La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres, et la mienne commence dans les lieux publics. À celui qui brandit sa liberté de s'intoxiquer n'importe où et d'intoxiquer n'importe qui, je lui répond que ma liberté de respirer, ne pas attraper de cancer et de ne pas avoir d'asthme est infiniment supérieure à son petit plaisir immédiat, superficiel et artificiel.


Je ne vais pas critiquer le recours de l'auteur du 87 à l'ironie, je serai un peu en porte-à-faux, mais son interrogation sur le maintien de la vente des cigarettes est sans doute plus idiote que fine. Supprimer ces « bombes à retardement » ferait exploser l'économie souterraine d'une manière (actuellement) incontrôlable, et si elles n'étaient plus vendues, comment compenserait-on l'interdiction de l'euthanasie ?
Comparer à l'alcool, c'est n'avoir rien compris au problème : l'État est libertaire, il te laisse te droguer et bousiller tes alvéoles pulmonaires, mais souhaite juste t'empêcher de faire de même à tes concitoyens. Et l'alcool ne se répandant pas dans l'air (enfin, certaines espèces, si, mais il paraît qu'il faut éviter de les boire), l'État, dans sa grande magnanimité, t'autorise à t'en remplir le sang dans les bars. Par contre, il t'interdit de mettre le goulot de ta bouteille sur la bouche de tes voisins de table en leur pinçant le nez, ce que tu pourras regretter, appréciant apparemment leur faire respirer ta fumée ; mais rappelle-toi, on est dans un pays totalitaire.


Le deuxième argument brandi par nombre d'opposants à la loi et repris par ce rédacteur haut-viennois, c'est la suppression de 3000 emplois inhérente à la fermeture des bars à narguilé. Il s'agit apparemment d'un oubli du législateur, que personne ne semble vouloir rectifier. Cependant, il faut bien comprendre que formuler cette exception, c'est en réalité autoriser des bars "tout fumeur" à exister. Ce qui n'est pas prévu par la loi, et on le comprend aisément : comment assurer le succès d'une mesure en prévoyant dès le départ que certains pourront s'y soustraire ? Dans les zones peu équipées en cafés, comment assurer l'alternative non-fumeur quand le bar du coin s'est auto proclamé fumeur ?
La décision ne prévoit donc pas d'exception. Et délivrer l'autorisation de fumée (oui, é-e) à certains bars juste car ils se disent bars à narguilé, c'est pousser certains gérants à se réclamer de cette catégorie, afin de récupérer une clientèle fumante peu encline à changer ses habitudes, même si en échange il faudra acquérir une pipe à eau. C'est pousser à la fraude, en tout cas dans une période de transition où chaque barman craint de perdre ses clients fumeurs. Et que le petit plaisantin qui suggère d'autoriser de fumer uniquement la chicha dans ces lieux aille postuler au concours de la proposition de loi la plus inapplicable. Autoriser les exceptions, c'est tuer l'essence du décret.
Puis c'est également instaurer une inégalité entre bars classiques et bars de ce type, ces derniers ayant en effet une chance unique de piquer les consommateurs aux poumons noirs aux autres cafés. Enfin, cette loi annonce également des efforts importants dans le domaine de la santé publique, et autoriser une pratique autrement plus dangereuse que la cigarette dans des lieux publics n'aurait guère de sens.
Ceci dit, il est assez aberrant que rien ne soit prévu pour aider les travailleurs du secteur, livrés à eux-mêmes après le 2 janvier.
Mais quand je vois sur Rue89 le président de l'Union des Professionnels du Narguilé déclarer : « on a un million de clients en France, on leur a dit votez UMP », je sèche mes larmes et passe à autre chose. Cigarette, on te regrettera. Ou pas.


Bonne année au fait !

mardi 27 novembre 2007

Solidarité Bourbonnaise

Ce blog soutient officiellement les déchus de l'Allier. Ils sont mieux placés que moi pour parler de ce qui c'est passé, mais en (très) résumé, une liste s'est présentée contre eux le jour de l'AG de vote, avec à sa tête et parmi ses membres des militants qu'ils ne connaissaient pas... et qui ont remporté l'élection.


Éthiquement c'est du n'importe quoi, mais je me pose quelques questions statutaires. D'après l'article 24.1 :


La liste des adhérents admis à voter dans la fédération est identique à la liste du congrès national.

Or les démissionnaires rapportent que « la tête de liste, Pierre Louis Rolle, ne figurait pas sur la liste d'émargement du congrès trois semaines plus tôt ».
Le nouvel animateur fédéral n'aurait pas donc pas du être autorisé à voter... D'autant plus que les adhérents capables d'exercer ce droit n'ont pas besoin d'une légitimité particulière, l'ancienneté suffit : il leur faut être « en possession de leur carte MJS à jour depuis au moins 3 mois ». Ce Pierre Louis ne possédait donc pas sa carte MJS dans l'Allier en août, sauf erreur le mois dernier, et en est devenu Animateur Fédéral ! D'ailleurs, mais c'est sûrement un homonyme, ce serait beaucoup trop gros, il y a un socialiste nommé Pierre-Louis Rolle à l'Institut d'Études Politiques de... Lille ! Le même, signant une pétition en faveur du vote papier, indique être du 59 (Nord), pas du 03, et son parcours sur Copains d'Avant ne montre aucun ancrage ou attachement familial au département.
Revenons à nos histoires. Je ne sais pas qui a présidé la séance, mais d'où venait cette nouvelle liste d'émargement modifiée alors qu'elle n'aurait pas du l'être ?
Éventuellement du National car, toujours selon les statuts :


La liste des votants est publiée par le BN 15 jours avant le vote.

C'est donc cette instance qui a pu décider d'ajouter quelques personnes, contre ce que stipule l'article 24... On peut imaginer que le nouvel AF ait été lésé par le BN, qui a rectifié son erreur. Curieux tout de même que ç'ait également été le cas de plusieurs adhérents fraîchement débarqués.
Et puis, comment expliquer que l'ancien animateur fédéral ne les connaisse pas, alors que d'après l'article 10.1, « toute demande d’adhésion est transmise à l’Animateur fédéral » ? Reformulée, cette question devient « comment le Bureau National, qui a publié la liste des votants, a-t-il pu considérer comme adhérents des gens qui n'avaient pas été présentés à l'AF, et donc validés ? »


Toutes ces interrogations et ces doutes justifieraient à mon sens que le vote soit annulé, pour mettre au clair ce flou statutaire, et en tout cas soulignent d'importantes lacunes dans les règles du MJS...