dimanche 23 septembre 2007

Contribution de Transformer à Gauche : « Refonder ». Partie 2.

Voici la suite du billet sur mes remarques quant à la contribution de Transformer à Gauche, la première partie se trouve ici.


Il nous faut « incarner une Gauche de conquête ».


Conquérir : soumettre par les armes.

Je ne pense pas que le PS doive effectuer une croisade dans laquelle il faudrait au passage effrayer les riches. Plutôt quelque chose comme comprendre les problèmes et les attentes des citoyens pour trouver des réponses à y apporter afin d'améliorer la vie. Pas très excitant, ce n'est pas pourfendre les adversaires ni estourbir les plus aisés, c'est vrai...


Plus loin, le texte exclue toute alliance avec le parti de Bayrou. Ne vous lasserez donc jamais de condamner de facto des personnes, des partis et des opinions ? Le MoDem peut parfois nous apporter quelque chose à certains endroits. Dans d'autres, comme dans ma ville, il est évident qu'il n'a pas sa place parmi nous et que nous n'avons rien en commun. Mais ce type d'accord ne doit-il pas se discuter au cas par cas avec les personnes concernées ? Pourquoi cracher d'office sur des gens dont, à l'évidence, vous ne savez rien, ayant prédit avec assurance l'absence de candidats MoDem face aux candidats du Nouveau Centre aux législatives ? Nous divergeons évidemment sur un grand nombre de points. Mais au sein d'un même parti, ne trouve-t-on pas tout et son contraire ? Au PS, on a bien DSK et Emmanuelli ! Cette dénigration systématique est pathétique. Je me sens d'ailleurs plus proche du MoDem que de la LCR... Vous dites que le parti de François Bayrou « souhaite objectivement notre extinction ».


Mais celui qui déclare que « le PS a fini par tellement ressembler à la droite », que nous ne constituons plus qu'une « gauche de capitulation », que notre engagement est la « défense des intérêts de la bourgeoisie », que nous sommes « complices de Sarkozy », c'est la LCR !
Les mêmes qui viennent de décider d'ouvrir leurs listes municipales à tous les volontaires à 2 conditions : qu'ils soient anti-sarkozy et qu'ils n'aient aucun lien avec le PS ! Pourtant, ce texte impose sa vérité, alors qu'elle est si discutable et que son seul fondement est la haine d'un courant qui ne se situe pas à Gauche, bien avant le débat d'idées.
On devrait faire une grande union de la gauche bien qu'elle nous méprise, et on devrait mépriser le MoDem bien qu'ils soient parfois plus proches de nos positions et que l'union soit parfois sûrement plus profitable. Heureusement que le Parti Socialiste a, paradoxalement, des positions plus ouvertes et plus modernes et vient d'accepter ces alliances...


Changer, se rénover comme on aime à dire, c'est être capable de porter un regard sur soi-même. Mais votre constat de l'état de la gauche est bref, peu développé et approfondi à la petite cuillère, tandis que le Parti Socialiste a su en établir un plus complet et précis, comme en témoignait le discours de clôture de François Hollande à l'université d'été. Ce qui, dans un sens, m'attriste un peu, car j'attendais au départ que le MJS soit un acteur de ce bilan, et pas à la traine derrière nos ainés. Le constat est traité bien au dessous de son importance.


D'ailleurs, toujours dans le domaine de l'introspection, la défaite ne serait pas vraiment de notre faute, en fait : les socialistes et l'ensemble des français convaincus par Bayrou ont simplement été « mystifiés ». Plus tard, ils parlent, pour faire différent, de « mystification sarkozienne ».


Mystifier : abuser de la crédulité de quelqu'un.

Toujours dans la modération et la finesse ; les électeurs de ces deux candidats auraient été crédules.
La glace dans laquelle Transformer à Gauche nous regarde est un miroir déformant. Derrière ce constat, son projet est de rassembler la Gauche, y compris l'extrême dont le nom est pourtant équivoque, et de placer le MJS encore plus à bâbord, comme si ça résoudrait le moindre problème. Ce texte prétend impulser la refondation à gauche, il semble vouloir accompagner son naufrage. En le lisant, on se dit que rien ne changera, et que la refondation consiste à remettre du ciment sur les murs pour boucher les trous.


On a perdu, corrigeons le tir, à gauche toute, tête baissée. L'objectif qui devrait être celui du MJS, c'est construire une gauche intelligente, pas une gauche stupidement encore plus à gauche de la gauche, comme si c'était un positionnement trop à droite qui nous faisait perdre des électeurs et des soutiens.


Ainsi, on va devoir « renforcer la vigilance par rapport aux évolutions du capitalisme », car nous avions « baissés la garde ». Nous sommes sauvés, voilà la solution. Ça va même rassurer ceux qui ne se reconnaissent plus en nous.


Les objectifs de Transformer à Gauche sont « clairs » : l'égalité, la liberté et la démocratie. Un objectif étant un but à atteindre, j'en déduis qu'il n'est pas rempli actuellement. Nous ne sommes pas égaux... en effet. Libres, nous le restons dans une certaine mesure, me murmure à l'oreille un ami chinois. Quant à la démocratie, je salue la bravoure de Transformer à Gauche : c'est osé de dénoncer le totalitarisme français, qui fait pâlir les américains et effraye les nord-coréens. Ces objectifs sont aussi profonds que courageux...


Je n'ai pas mené la réflexion qui leur a sans aucun doute permis d'arriver à ce document, mais plus ou moins instinctivement d'ailleurs, je ne pourrai pas les faire tenir en 3 points mes buts seraient, par exemple, l'égalité, bien sûr, mais aussi l'augmentation du niveau de vie, un service public fort et dévoué aux citoyens, une éducation bien plus performante prenant en compte les nouveaux paramètres de notre société, et ainsi de suite. Pour eux, ce sont 3 points souhaités par la Gauche et la Droite depuis 200 ans, et qui font partie de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Renouveau, etc.


Je vais m'arrêter là. Pour résumer ces deux billets, le constat sur l'état de la Gauche est incomplet et loin de dresser un état des lieux ; les propositions pour la refondation du PS sont décalées avec la réalité et ne correspondent pas à ce dont nous avons besoin ; l'appropriation du concept de la social-démocratie est aussi électoraliste que sincère, et enfin, l'urticaire réflexe de Transformer à Gauche aux mots MoDem et Bayrou est absolument affligeant et indigne d'une gauche refondée. Bravo pour cette contribution, sinon.

samedi 22 septembre 2007

Contribution de Transformer à Gauche : « Refonder ». Partie 1.

Voici quelques remarques à propos de la contribution de Transformer à Gauche, originalement destinées à Razzye Hammadi, lors de l'assemblée générale de préparation du congrès, modifiées pour bénéficier d'une portée plus générale.
Pour alléger un peu la lecture, j'ai scindé ce billet en deux, la suite arrivant bientôt.

Ma première réaction porte sur l'introduction. Nicolas Sarkozy serait le « président du système ». J'ai beaucoup de choses à redire quand à la politique et à l'action de Nicolas Sarkozy, énormément de reproches à formuler sur la vision qu'il a de la France, et ce n'est décidément pas le premier terme qui me viendrait pour le caractériser. En dehors du fait que Ségolène Royal n'ait pas moins été la candidate du système que son adversaire, je trouve cette affirmation en décalage avec toutes les déclarations actuelles des socialistes qui ont enfin compris que l'objectif de notre parti, n'est pas de faire « péter le système » ni d'aller à son encontre. Laissons ce travail fantaisiste à la LCR. Je citerai François Hollande lors de son discours de clôture de La Rochelle : « il y a bien longtemps que les socialistes ont admis l’économie de marché, reconnu la création de richesses par les entreprises et compris le défi de la compétition économique. » Je ne vous livre pas l'intégralité du contexte, qui incluait bien entendu des réserves sur ces points, mais il est clair que le Parti Socialiste est aussi un parti du système. Et ce n'est pas une insulte. Et ce n'est pas honteux. Un parti qui a pour objectif de le rendre meilleur, de le transformer là où c'est nécessaire, mais pas de le faire sauter.

Vient ensuite une bien longue analyse de la défaite. Seulement, le traitement de la question MoDem est carrément léger : « le centre était-il trop attractif aux yeux de certains socialistes ? Pas pour nous. » Question réglée, point suivant. 18% d'électeurs se sont rassemblés derrière Bayrou, aucun souci, nous, non. Quand on souhaite faire une analyse, autant aller au bout !
Le texte souhaite ensuite dresser un bilan de l'action du gouvernement ces 5 dernières années. Sont ainsi utilisées les expressions « guerre à la jeunesse », « bizutages sociaux », terriblement entendues et qui permettent seulement de taper en rythme sur le gouvernement. Non que je les réfute, mais j'attendrai plutôt qu'elles soient introduites par du fond et qu'elles servent une argumentation plutôt que le style d'un paragraphe. Les belles formules, à la rigueur dans un discours, mais dans une contribution, ne serait-ce pas inapproprié ? De la même façon, quand vous parlez plus tard d'« ultra-libéralisme » en France, je me demande si vous connaissez, au moins de nom, ce pays qu'on appelle États-Unis d'Amérique et qui, à votre échelle, serait alors dans le méga-ultra-giga-téta-libéralisme. La caricature à outrance n'est pas indispensable pour rédiger une contribution.

Je vais m'arrêter là pour ce qui concerne l'analyse de la victoire de Sarkozy, qui est globalement plutôt juste. Après 3 pages, nous voici enfin au cœur du sujet : refonder la gauche. Pour mal commencer, l'introduction me semble assez hasardeuse : « une question se pose à toute la social-démocratie ». L'appropriation de ce concept m'étonne autant que l'utilisation faite du terme me surprend : comment poser une question à une méthode représentée par un courant, dans lequel Transformer à Gauche ne s'est jamais reconnu ? Cette phrase n'a aucun sens ; ici, on cherche apparemment à placer des mots bonus compte triple sans conviction et surtout en faisant fi de leur signification, bien que la fameuse question ne soit pas inintéressante.
Vous récidivez quelques lignes plus tard : « avec l'effondrement du mur de Berlin, c'est tout une partie du rapport de force sur lequel s'appuyait la social-démocratie qui s'est dérobée, affaiblissant durablement la Gauche ». Ainsi, la social-démocratie aurait souffert de la réunification de l'Allemagne tout en affaiblissant la Gauche. Gauche qui n'ose pourtant, en France, assumer ce terme que depuis très peu de temps, et qui le fait toujours avec réticence. Par exemple, le texte de 2005, bien que sensé « porter le socialisme démocratique » est rempli d'allusions aux « camarades sociaux-démocrates s'éloignant des idéaux de justice sociale ». Mais ce courant aurait subi la chute du mur et dans la foulée affaibli la gauche en 1989. Je suis réservé, le raisonnement permettant d'aboutir à cette conclusion étant pour le moins original et ses fondements plutôt obscurs. Les auteurs de ce texte ne s'arrêtent pas en si bon chemin, et semblent se sentir obligés de surenchérir à chaque phrase pour aller plus loin dans le grotesque. Lisons la suivante : « la Gauche ne fait plus peur aux bourgeois, elle les fait rire ». Que dire ? Faut-il vraiment expliquer pourquoi cette phrase honteuse n'a pas sa place dans le moindre texte socialiste, et est complètement antinomique avec la notion de social-démocratie, présente quelques mots au dessus ?
Quelques hypothèses expliquant sa présence :

  • TàG cherche la polémique gratuite et facile,
  • ils n'ont rien compris du concept dont ils vantent les mérites,
  • ils essaient de flatter la gauche du mouvement qui pourrait ne pas apprécier ce virage social-démocrate, en leur donnant une phrase à ruminer,
  • la Gauche qu'ils souhaitent refonder a deux siècles de retard, auquel cas je leur souhaite bien du courage.

Ainsi, ce serait l'objectif des jeunes, de la relève, faire peur aux riches ? Je ne sais pas ce que Razzye entend par « la Gauche la plus bête du monde », mais pour moi, c'est celle la. On ne construit pas une politique sur une relation de crainte avec certains citoyens − car oui, les riches sont aussi des citoyens − et en se mettant à dos d'emblée une frange de la population. Au nom de quoi ne devrions-nous pas rassembler tout le monde, aisés et démunis, et forcément faire un choix ? Bien sûr, on admet communément le raccourci riche = égoïste = à droite. Néanmoins, l'égoïsme se situant dans la nature humaine plutôt que dans le compte en banque, et concernant ainsi aussi bien les gens de gauche que ceux de droite et autant les « bourgeois » que les modestes, il serait peut-être plus judicieux d'essayer de rassembler tout le monde sans effectuer de sélection au portefeuille.


Dans la même lancée, je suis préoccupé quand je vois qu'ils désirent « s'attaquer au dogme du droit de propriété », mais ne précisant pas leurs intentions, je ne peux pas caractériser mes inquiétudes. Rappelons tout de même que ce droit est inscrit dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen... L'assemblée générale du 19 septembre m'a tout de même ouvert sur une application possible et intéressante de cette remise en cause : autoriser la réquisition de logements vacants (sous réserves et conditions). Si c'est ce à quoi les rédacteurs pensaient, il faut souligner la maladresse de leur expression.



À suivre...

vendredi 21 septembre 2007

Une assemblée générale de préparation au congrès

Tous les deux ans, le MJS se réunit en congrès. Je ne vais pas m'étendre sur le fonctionnement de l'organisation, sur lequel je reviendrai dans un prochain billet, mais il faut retenir que tous les membres du conseil national peuvent déposer en prévision de ce rendez-vous une contribution censée donner une idée plus ou moins précise, souvent moins, de la ligne politique de son auteur. Concrètement, il y en a peu, 5 pour le congrès 2007, qui sont ratifiées par le reste des membres du conseil national en fonction de leurs préférences. Les voici.

La fédération du 94 (et d'autres...) a décidé de présenter l'intégralité de ces contributions à ses adhérents pour leur permettre de se forger leur opinion. C'est ainsi qu'elle invite avant chaque congrès des représentants des différentes contributions pour venir défendre leur texte, bien que tous ne puissent pas faire le déplacement, comme ceux des deux dernières, largement minoritaires. Il faut aussi savoir que notre fédération, en gros, est derrière la seconde contribution, et est une des seules à ne pas voter majoritairement pour le courant Transformer à Gauche de Razzye Hammadi et de notre futur président Antoine Détourné. C'est pour cette raison que l'émissaire annoncé de la 1re contribution était... Razzye en personne, venu se battre pour son courant, et sachant qu'il se pointait en terrain (gentiment) hostile.

Plutôt intéressant de faire face au président himself pour parler de fond. Étant en désaccord avec sa contribution, je rédige une intervention plutôt longue qui explique à peu près exhaustivement pourquoi je ne m'y reconnais pas. Un peu de pression : il va falloir tenir face à Razzye ! Je suis content quand arrive le soir de l'assemblée générale, qui va me permettre de donner enfin l'avis que j'ai mis précautionneusement au moins pendant près d'une semaine, par petites touches. Nous sommes près de 45 réunis au siège de la fédé du Parti Socialiste (heureusement que nous ne sommes pas totalement autonomes, à 45 chez l'un d'entre nous, on aurait eu du mal) à attendre avec un peu d'impatience l'arrivée de notre président, en retard comme bien souvent.

On commence quelques minutes plus tard pour ne pas trop perdre de temps, on travaille tous le lendemain, et c'est Maxime qui nous présente la seconde contribution, « Nous ne serons plus la génération des défaites de la gauche », et plus globalement le courant Social-Démocrate. L'intervention est bien menée, et le gong des 10 minutes y met fin. Il est suivi par Jonathan qui parle de la contribution suivante, « Plus utile ». Un peu plus offensif sur la défaite, ce dernier tacle aussi le MJS en citant Antoine qui parlait du besoin d'écouter les minorités, consigne qu'il « devrait d'abord appliquer au sein de notre mouvement ». Les 20 minutes de présentation se sont écoulées. Aucune nouvelle de Razzye. L'ordre du jour évoquant 3 textes, Jonathan se dévoue pour présenter rapidement et tout à fait partialement la 1re contribution. Alors qu'il commence, une porte claque. Le silence. Et c'est sûrement la première fois qu'une telle assemblée est aussi peu ravie de voir un simple adhérent arriver. Il reprend son bref exposé, puis Cidalia, animatrice fédérale et présidente de séance, décide de passer au débat.

Les interventions se suivent et se bousculent dans une ambiance agréable, légèrement refroidie par l'intervention gelée d'une nouvelle militante désireuse de défendre le texte de Transformer à Gauche. Rendons lui justice, le contexte de l'assemblée générale ne prêtait pas à la bonne humeur d'un partisan de Razzye, vivement vilipendé pour son retard. Qui rapidement devient absence. Il n'appelle pas. Michaël prend la parole : Razzye devrait être là, tandis que lui aurait préféré ne pas y être, car il aurait préféré se rendre dans une autre fédération pour défendre la contribution Sociale-Démocrate, ce qu'a refusé le MJS qui a affirmé qu'un simple militant ne pouvait défendre une contribution que dans sa fédération.
Je ne veux pas croire à son défaut, en regardant le texte de quelques pages qui attend, plié en 4, sur un bout de la table. J'y crois encore, je me dis qu'il va arriver d'un instant à l'autre. Chaque crissement de pneu me fait espérer son arrivée : « c'est lui, il est là ! » Cidalia me demande si je veux tout de même intervenir. Mais tout mon tapuscrit s'adresse à Razzye ! Lui ou rien. Rien.

L'assemblée générale se termine doucement. Sandrine, membre du Bureau National, atténue nos mésententes et vient même à déclarer que tout le Parti Socialiste est, au fond et dans une certaine mesure, social-démocrate, pour répondre aux quelques adhérents qui associent ce courant avec un virement à droite du PS. La présidente de l'UNEF Paris XII trouve d'ailleurs que nos divergences sont étrangement peu marquées et que nous semblons tous d'accord ; ce à quoi Jonathan répond immédiatement que si nous étions tous d'accord, il ne serait pas assis à côté de Maxime en train de défendre un autre texte que lui, mais que notre débat aurait effectivement été plus riche en présence de notre président. Il ajoute que le différent est facile à provoquer, par exemple, légaliser le cannabis ? Notre rapport vis-à-vis du libéralisme ? Ces questions provoquent l'effet désiré. Un peu de discorde, pour affirmer notre identité socialiste.

23h, Cidalia clôt les interventions. Il n'est pas venu.