samedi 22 septembre 2007

Contribution de Transformer à Gauche : « Refonder ». Partie 1.

Voici quelques remarques à propos de la contribution de Transformer à Gauche, originalement destinées à Razzye Hammadi, lors de l'assemblée générale de préparation du congrès, modifiées pour bénéficier d'une portée plus générale.
Pour alléger un peu la lecture, j'ai scindé ce billet en deux, la suite arrivant bientôt.

Ma première réaction porte sur l'introduction. Nicolas Sarkozy serait le « président du système ». J'ai beaucoup de choses à redire quand à la politique et à l'action de Nicolas Sarkozy, énormément de reproches à formuler sur la vision qu'il a de la France, et ce n'est décidément pas le premier terme qui me viendrait pour le caractériser. En dehors du fait que Ségolène Royal n'ait pas moins été la candidate du système que son adversaire, je trouve cette affirmation en décalage avec toutes les déclarations actuelles des socialistes qui ont enfin compris que l'objectif de notre parti, n'est pas de faire « péter le système » ni d'aller à son encontre. Laissons ce travail fantaisiste à la LCR. Je citerai François Hollande lors de son discours de clôture de La Rochelle : « il y a bien longtemps que les socialistes ont admis l’économie de marché, reconnu la création de richesses par les entreprises et compris le défi de la compétition économique. » Je ne vous livre pas l'intégralité du contexte, qui incluait bien entendu des réserves sur ces points, mais il est clair que le Parti Socialiste est aussi un parti du système. Et ce n'est pas une insulte. Et ce n'est pas honteux. Un parti qui a pour objectif de le rendre meilleur, de le transformer là où c'est nécessaire, mais pas de le faire sauter.

Vient ensuite une bien longue analyse de la défaite. Seulement, le traitement de la question MoDem est carrément léger : « le centre était-il trop attractif aux yeux de certains socialistes ? Pas pour nous. » Question réglée, point suivant. 18% d'électeurs se sont rassemblés derrière Bayrou, aucun souci, nous, non. Quand on souhaite faire une analyse, autant aller au bout !
Le texte souhaite ensuite dresser un bilan de l'action du gouvernement ces 5 dernières années. Sont ainsi utilisées les expressions « guerre à la jeunesse », « bizutages sociaux », terriblement entendues et qui permettent seulement de taper en rythme sur le gouvernement. Non que je les réfute, mais j'attendrai plutôt qu'elles soient introduites par du fond et qu'elles servent une argumentation plutôt que le style d'un paragraphe. Les belles formules, à la rigueur dans un discours, mais dans une contribution, ne serait-ce pas inapproprié ? De la même façon, quand vous parlez plus tard d'« ultra-libéralisme » en France, je me demande si vous connaissez, au moins de nom, ce pays qu'on appelle États-Unis d'Amérique et qui, à votre échelle, serait alors dans le méga-ultra-giga-téta-libéralisme. La caricature à outrance n'est pas indispensable pour rédiger une contribution.

Je vais m'arrêter là pour ce qui concerne l'analyse de la victoire de Sarkozy, qui est globalement plutôt juste. Après 3 pages, nous voici enfin au cœur du sujet : refonder la gauche. Pour mal commencer, l'introduction me semble assez hasardeuse : « une question se pose à toute la social-démocratie ». L'appropriation de ce concept m'étonne autant que l'utilisation faite du terme me surprend : comment poser une question à une méthode représentée par un courant, dans lequel Transformer à Gauche ne s'est jamais reconnu ? Cette phrase n'a aucun sens ; ici, on cherche apparemment à placer des mots bonus compte triple sans conviction et surtout en faisant fi de leur signification, bien que la fameuse question ne soit pas inintéressante.
Vous récidivez quelques lignes plus tard : « avec l'effondrement du mur de Berlin, c'est tout une partie du rapport de force sur lequel s'appuyait la social-démocratie qui s'est dérobée, affaiblissant durablement la Gauche ». Ainsi, la social-démocratie aurait souffert de la réunification de l'Allemagne tout en affaiblissant la Gauche. Gauche qui n'ose pourtant, en France, assumer ce terme que depuis très peu de temps, et qui le fait toujours avec réticence. Par exemple, le texte de 2005, bien que sensé « porter le socialisme démocratique » est rempli d'allusions aux « camarades sociaux-démocrates s'éloignant des idéaux de justice sociale ». Mais ce courant aurait subi la chute du mur et dans la foulée affaibli la gauche en 1989. Je suis réservé, le raisonnement permettant d'aboutir à cette conclusion étant pour le moins original et ses fondements plutôt obscurs. Les auteurs de ce texte ne s'arrêtent pas en si bon chemin, et semblent se sentir obligés de surenchérir à chaque phrase pour aller plus loin dans le grotesque. Lisons la suivante : « la Gauche ne fait plus peur aux bourgeois, elle les fait rire ». Que dire ? Faut-il vraiment expliquer pourquoi cette phrase honteuse n'a pas sa place dans le moindre texte socialiste, et est complètement antinomique avec la notion de social-démocratie, présente quelques mots au dessus ?
Quelques hypothèses expliquant sa présence :

  • TàG cherche la polémique gratuite et facile,
  • ils n'ont rien compris du concept dont ils vantent les mérites,
  • ils essaient de flatter la gauche du mouvement qui pourrait ne pas apprécier ce virage social-démocrate, en leur donnant une phrase à ruminer,
  • la Gauche qu'ils souhaitent refonder a deux siècles de retard, auquel cas je leur souhaite bien du courage.

Ainsi, ce serait l'objectif des jeunes, de la relève, faire peur aux riches ? Je ne sais pas ce que Razzye entend par « la Gauche la plus bête du monde », mais pour moi, c'est celle la. On ne construit pas une politique sur une relation de crainte avec certains citoyens − car oui, les riches sont aussi des citoyens − et en se mettant à dos d'emblée une frange de la population. Au nom de quoi ne devrions-nous pas rassembler tout le monde, aisés et démunis, et forcément faire un choix ? Bien sûr, on admet communément le raccourci riche = égoïste = à droite. Néanmoins, l'égoïsme se situant dans la nature humaine plutôt que dans le compte en banque, et concernant ainsi aussi bien les gens de gauche que ceux de droite et autant les « bourgeois » que les modestes, il serait peut-être plus judicieux d'essayer de rassembler tout le monde sans effectuer de sélection au portefeuille.


Dans la même lancée, je suis préoccupé quand je vois qu'ils désirent « s'attaquer au dogme du droit de propriété », mais ne précisant pas leurs intentions, je ne peux pas caractériser mes inquiétudes. Rappelons tout de même que ce droit est inscrit dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen... L'assemblée générale du 19 septembre m'a tout de même ouvert sur une application possible et intéressante de cette remise en cause : autoriser la réquisition de logements vacants (sous réserves et conditions). Si c'est ce à quoi les rédacteurs pensaient, il faut souligner la maladresse de leur expression.



À suivre...

Aucun commentaire: