mardi 30 octobre 2007

Des régimes spéciaux

Je tiens à préciser avant tout que je ne suis pas un spécialiste de la question, et que mon jugement pourra comprendre des imprécisions/erreurs dont je veux bien être informé.


À moins de vivre en autarcie dans le fin fond de la Moselle, vous savez que le gouvernement a lancé son grand projet de réforme des régimes spéciaux. Pourquoi ? Car, prenons exemple sur la SNCF, les cheminots (entre autres) ne cotisent (entre autres) que 33 ans pour leur retraite (source SUD Rail), 37.5 au maximum, contre 40 pour les bénéficiaires du régime général. Ces conditions avantageuses sont à attribuer aux négociations syndicales de 1945, qui ont fait valoir la pénibilité de certains métiers, pouvant justifier un régime plus souple.
Mais depuis cette date, l'espérance de vie a augmenté et les conditions d'exercice ont changé du tout au tout. Pas les régimes spéciaux.
Ainsi, un conducteur de train ou de RER n'a plus à mettre de charbon dans sa locomotive, mais peut toujours partir à la retraite des années plus tôt d'une femme de ménage ou qu'un maçon. C'est donc naturellement, et sans la moindre hésitation, que je me prononce pour la réforme.


Les syndicalistes, qui ne veulent pas abandonner leurs avantages, arguent que ces régimes ne concernent que 5% des retraités, et qu'on devrait donc les laisser tranquille : ce n'est pas avec ça qu'on va faire des économies. Les erreurs judiciaires représentent aussi une infime proportion des décisions de Justice, on ne devrait pas tout faire pour les éviter ? C'est une question de principe que de lutter contre ces inégalités qui ont aussi instauré un fossé entre les professions aux syndicats puissants et à celles qui n'en possédaient pas ou peu. Il est également paradoxal de voir les mêmes personnes s'insurger ensuite contre le régime spécial des parlementaires, alors qu'il ne touche qu'une proportion infinitésimale des citoyens, et que suivant cette logique, on ne devrait même pas l'avoir à l'esprit.
De plus, le financement de ces conditions particulières pose problème du fait de la baisse du nombre d'actifs, qui doivent assumer le coût plus élevé de ces retraites. Ce système, en plus d'être inégalitaire, produit du déficit, ce qui ne peut pas être considéré comme une solution viable.


Mais il y a des arguments chocs pour refuser cette réforme :


  • Les salariés de la SNCF ou de la RATP doivent cotiser plus que dans le privé et gagnent moins. Les syndicats découvrent le service public.
  • Conducteur de train est un métier épuisant moralement, ce qui compense la baisse de la pénibilité physique. En dehors du fait que la plupart des emplois de bureaux sont stressants, les professions de la SNCF ne se limitent pas à ça. Contrôleur ? Guichetier ? Il y a une quantité de métiers largement plus difficiles qui ne bénéficient pas de tous ces aménagements. Mais les syndicats savent trouver des facteurs de difficulté (plaquette Sud Rail) : « la grande vitesse, la longueur des parcours, la délinquance et l’insécurité, le développement accéléré des techniques, la concurrence exacerbée entre les moyens de transport ont remplacé la pénibilité essentiellement physique de jadis ». Le réchauffement de la planète et la disparition de la forêt amazonienne aussi ?

Le MJS, bien entendu, est contre la réforme. Car ces pauvres cheminots ont "un salaire moindre", leur retraite est "inférieure". C'est bizarre, on avait cru comprendre que l'intérêt du régime spécial était de proposer des conditions de retraites plus intéressantes... Enfin, s'il est tellement porteur d'inégalités, réformons ce système pour leur permettre de s'aligner sur le régime général ! En fait, non, parce que le travail "ne doit pas occuper la totalité de la vie d'un travailleur".
Petit calcul. L'espérance de vie en France est de 80 ans. Un cheminot part à la retraite en moyenne à 53 ans. En fixant l'âge moyen à la première embauche à 20 ans, on obtient 33 ans travaillés sur 60. À 50 semaines par an aux 35h (2 semaines de congés annuels, il me semble que c'est en deçà de la réalité), on a 57750 heures de travail dans une vie sur 524160 "disponibles", soit 11%. Alors en effet, le travail n'occupe pas la totalité d'une vie. À 40 années de cotisation, on passe à 70000 heures de travail, soit 13% d'une vie. Même dans ce cas, je trouve qu'on dispose de beaucoup de "temps libre". C'est pourquoi cet argument est erroné, et c'est un euphémisme.


Pourtant, je ne suis pas contre les régimes spéciaux dans l'absolu. Par exemple, je trouve normal que les poseurs de rails en bénéficient. Tout comme je trouverais justifié que les femmes de ménage aient la possibilité de partir à la retraite plus tôt. Et, bien entendu, je suis favorable à la suppression du régime spécial des parlementaires. Mais ça, ce sont les modalités d'une réforme indispensable. Qui, certes, ne seront pas entendues...
Ceci dit, il faut être réaliste et accepter le fait qu'en vivant plus longtemps, il est normal de travailler plus longtemps pour que notre système de solidarité fonctionne. Et cette règle doit aussi s'appliquer aux métiers plus difficiles, qui bénéficient également de l'augmentation de l'espérance de vie, même s'ils doivent continuer à disposer de meilleurs conditions de retraite.
À mon avis, il est essentiel de recenser les métiers dangereux ou pénibles afin de leur proposer un régime spécial adapté. Une telle évaluation prendrait notamment en compte l'espérance de vie des employés du secteur et les statistiques sur leur état de santé, et se ferait sans demander leur avis aux syndicats, qui vont toujours prêcher pour leur paroisse et essayer de conserver leurs avantages au détriment du bon sens et de l'intérêt général, comme l'a démontré la grève récente. L'accueil du site de Sud Rail est révélateur de ce nombrilisme inquiétant et me fait pour une fois prendre le parti du gouvernement, accusé de ne pas prendre en compte les avis des différentes parties. C'est peut être vrai, mais au moins, c'est réciproque.

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